Le viaduc de Garabit va être transféré à Clermont-Ferrand !

Le viaduc de Garabit va être transféré à Clermont-Ferrand !

1 avril 2021 2 Par SuperBougnat

Aussi fou que cela puisse paraître, ce projet est bien réel et doit répondre à plusieurs enjeux, à commencer par le classement au patrimoine mondial du mythique viaduc de Garabit.

Les maires de Ruynes-en-Margeide et Clermont-Ferrand nous apportent des précisions sur ce projet ambitieux et complexe.

Le pont des records !

Source : Wikimedia commons | Autrice : MaryDo

Imaginé par Léon Boyer en 1878, ce pont ferroviaire enjambant la vallée creusée par la Truyère a été construit par la société de Gustave Eiffel en 4 ans seulement, de 1880 à 1884, 5 ans avant la Tour Eiffel.

Léon Boyer, âgé de 27 ans seulement, s’est inspiré du viaduc Maria Pia, au Portugal pour proposer ce pont enjambant la vallée, avec des dimensions exceptionnelles et battant plusieurs records :

  • 564,69 m de long pour le tablier en fer
  • Arche principale d’une portée de 165 m (record jusqu’en 1886)
  • 122,5 m au-dessus de la rivière (plus haut viaduc du monde à l’époque)
    Depuis 1959, le viaduc surplombe l’eau de 95 m seulement (lac de barrage).
  • 678 768 rivets posés à la main
  • 20 370 m³ de maçonnerie
  • 3233 T de métal (fer, acier, fonte)
Source : Wikimedia commons | Auteur : Grégory Leroy

De la menace au sauvetage

Alors qu’un projet de classement au patrimoine mondial par l’UNESCO est évoqué depuis plusieurs années, l’entretiens réduit du viaduc de Garabit par la SNCF, et surtout les projets de fermeture de la ligne ferroviaire menaçaient de tout faire capoter.

La présidente de l’association des amis de Garabit (AMIGA) le dit clairement :

L’UNESCO impose que le viaduc soit utilisé pour le faire entrer dans son classement.
Et l’utilisation doit correspondre à son objectif initial, donc à du transport sur rail.
On a bien pensé à installer un vélorail, mais les touristes seraient réticents car, depuis le viaduc, on ne voit pas bien le viaduc, justement !

La Mentable – 12 mars 2021

Il fallait donc trouver une solution, pour éviter à Garabit l’abandon que subit le viaduc des Fades, dans le Puy-de-Dôme.

Source : Wikimedia commons | Auteur : Patrick Giraud

Et la solution est venue de la ville de Clermont-Ferrand !

En effet, cette dernière envisage de refaire son tramway à horizon 2030, pour en installer un sur rail, à la place de celui sur pneus (l’avenir de Michelin étant incertain, la ville souhaite voir loin).

Au préalable, la fameuse “muraille de Chine” doit être démolie et le quartier qui relie le centre-ville au plateau Saint-Jacques va être profondément transformé.

Olivier Bianchi, le maire de Clermont-Ferrand, a alors eu une idée :

J’ai proposé aux cantalous de nous offrir leur viaduc, contre la promesse qu’il sera bien entretenu et enfin classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (après tout, dans le 63, on est forts en classement de ce genre).

Nous allons pouvoir enfin remplacer l’horrible viaduc Saint-Jacques par un édifice à la hauteur de la ville : ce sera un vrai fer de lance dans le cadre de la candidature de Clermont au titre de capitale européenne de la culture. En plus, la couleur du viaduc s’associe bien avec le “fleur de lave” du tramway.

Demain Clermont – Février/Mars 2021

Quand on sait que Clermont compte un marché à ossature métallique (le marché Saint-Joseph, près de la gare) et que Gustave Eiffel a travaillé avec Bartholdi (sculpteur du Vercingétorix de la place de Jaude) pour la statue de la Liberté, accueillir le viaduc de Garabit dans la capitale auvergnate fait finalement sens.

Un projet ambitieux

Déplacer un tel ouvrage pour le réinstaller à un autre emplacement est une véritable gageure !
Si l’ouvrage de Léon Boyer et Gustave Eiffel est une sorte de grand mécano, il va falloir le démonter rivet par rivet, puis acheminer les éléments et les remonter en les adaptant au nouveau terrain.

Le plus difficile, finalement, sera d’adapter le viaduc de Garabit à la pente de 6% qui relie Saint-Jacques au quartier des facs de Clermont.
Il faudra adapter les piles d’acier, mais le tablier pourra sans soucis supporter cette inclinaison nouvelle (les ingénieurs du XIXème siècle avaient une maîtrise technique n’ayant rien à envier à ceux du XXIème).

Projet d’architecte montrant l’intégration du viaduc de Garabit dans la ville

Il faudra aussi “raccourcir” Garabit puisque son tablier métallique fait près de 555 mètres de long, contre 430 mètres pour le viaduc Saint-Jacques.
L’arche centrale, d’une portée de 165 mètres sera évidemment préservée et offrira plus de lumière au quartier que les piles de bétons de l’actuel viaduc clermontois, en plus d’une évidente attraction touristique (certains imaginent déjà une école d’escalade, un restaurant équivalent à celui de la Tour Eiffel ou encore une plateforme de saut à l’élastique).

On ne sait pas encore ce qui adviendra des poutrelles d’acier surnuméraires.
Le maire de Clermont-Ferrand promet d’en faire un usage exemplaire et spectaculaire (ce qui n’est pas sans susciter certaines inquiétudes de ses opposants, comme vous pourrez le lire plus loin).

Regrets et inquiétudes

Les habitants de Ruynes-en-Margeride et Val d’Arcomie (les communes cantaliennes reliées par le viaduc de Garabit) ne cachent pas une certaine amertume.

Si la garantie de voir le viaduc perdurer dans le temps est une forme de soulagement, ne plus le voir amène des inquiétudes.
C’est surtout pour les remontées économiques liées au tourisme que l’on s’inquiète, localement :

Une fois de plus, y en aura que pour le Puy-de-Dôme et le Cantal sera oublié… Merci la solidarité auvergnate !

Un couple de riverains remontés

Des arguments balayés sans ménagement par François Odoul, le maire de Ruynes :

Le viaduc était foutu, à cause de la SNCF qui voulait nous enlever le train.
Il allait se déliter et les touristes disparaîtraient avec lui.
Au moins, avec l’argent accordé par Laurent Wauquiez et la région pour le transfert, notre vallée va pouvoir se développer pendant au moins 10 ans ! Surtout que la région va aussi financer la vidéosurveillance pour nos villages et la construction d’un mur de protection autour de chaque établissement scolaire.

Margeride Hebdo – 29/03>07/04/2021

Du côté de Clermont, les habitants semblent peu intéressés par cet évènement à venir… Pas plus que par la destruction de la “muraille de Chine” ou la construction des immeubles “Totem”, dont le rouge criard fera pourtant bientôt écho au viaduc “rouge Gauguin”.

L’opposition municipale, par contre, est inquiète, comme en témoignent ces propos recueillis par nos soins :

Encore un projet qui ne verra jamais le jour, comme le quartier latin de Rabanesse, la bibliothèque à la place de l’ancienne gare routière, la nouvelle gare routière ou la tyrolienne entre le Puy-de-Dôme et le Puy de Gravenoire !

Marianne Maximi – La France Insoumise

Mon inquiétude majeure, c’est le devenir des éléments dont le superbe viaduc de Garabit va être amputés !
On s’apprête là à extraire les racines de notre histoire, et cela ne peut se faire sans douleur, croyez-moi !
D’après certains bruits de couloirs à l’hôtel de ville, Olivier Bianchi voudrait faire couler une statue à son effigie et la placer sur le toit de la mairie… On est bien là dans le culte du leader typique des pays communistes : je l’avais bien dit que ça finirait mal avec de petit Mao’vergnat !

Jean-Pierre Brenas – Les Républicains

Heu… Je sais pas trop.
Je ne m’intéresse pas beaucoup à la politique locale.

Michel Fanget – Candidat à la mairie jamais élu & Député dépité

Gageons que si ce projet abouti, il sera couronné de succès… Mais peut-être est-il trop ambitieux pour notre modeste région.
Après tout, les lyonnais ont bien tenté de déplacer la Tour Eiffel sur les pentes de Fourvière, mais seul le petit troisième étage a pu être transporté de la capitale à la capitale des Gaunes… et les parisiens l’ont vite reconstruit au sommet de la tour originale.

Source : Wikimedia commons | Auteur : Stevage

Enquête publique

Le projet n’est pas totalement bouclé.

Il faut dire que la SNCF et Laurent Wauquiez (président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, organisatrice du transport) ont du mal à assumer la fermeture de la ligne ferroviaire, alors qu’ils œuvrent depuis des années en ce sens.

Si le contrat de construction avait été passé sans appel d’offre en 1879, l’administration est cette fois-ci bien décidée à respecter la loi.
Une enquête publique est donc lancée et les citoyens sont invités à ce prononcer sur le transfert du viaduc de Garabit, même si le projet est déjà bien avance.

Tous les détails du projet et l’enquête publique sont à consulter ici : www.garabitasaintjacques.info.

Photo d’en-tête :
Source : Wikimedia Commons | Auteur : Pamglobe

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