Intermarché, pollueurs commerçants ?

Intermarché, pollueurs commerçants ?

9 août 2020 0 Par SuperBougnat

La marque Intermarché se targue d’être “producteurs et commerçants”.
En Auvergne, elle exploite la source Sainte Marguerite qui a fait l’objet de travaux, en octobre et novembre 2019.
Hélas, vue l’état du site, on peut se demander si l’enseigne ne devrait pas changer son slogan, pour “Intermarché, pollueurs commerçants” ?

On parle de quoi ?

L’usine d’embouteillage de 1994

Une filiale d’Intermarché / Les Mousquetaires

Intermarché (via sa filiale Agromousquetaires) possède, depuis 1995, une usine d’embouteillage afin d’exploiter l’eau de Sainte-Marguerite, vendue ensuite principalement dans ses magasins et ses restaurants (Poivre Rouge) mais aussi chez certains concurrents, comme Auchan.

Auparavant, cette usine appartenait au groupe Félix Potin, qui l’avait racheté en 1993 seulement et avait investi dans une nouvelle usine, avant de la revendre en raison de son déficit chronique.

En devenant une filiale d’Intermarché, l’usine est passé de 5 à 18 millions de bouteilles par an (elle pourrait en produire jusqu’à 100 millions !), avec à peine une quinzaine de salariés.

Un engagement environnemental affiché

Sur son site, Intermarché se vante d’avoir une “filière Boissons [qui] s’engage pour la préservation des paysages et de la biodiversité des espaces naturels en signant localement des conventions de protection” et l’usine de Sainte-Marguerite est signalée comme étant labellisée pour ses “engagements en matière de qualité, de développement durable, d’amélioration des processus de fabrication et de gestion des ressources humaines“.

Le partenariat local existe bien (voir ci-dessous), mais pour la préservation des paysages, de la biodiversité ou le développement durable, on repassera, comme je vais m’efforcer de le démontrer dans cet article.

La source de la Chapelle et l’ancien établissement thermal

Un partenariat de protection

Depuis 1997, la société des eaux de Sainte Marguerite a un partenariat avec le Conservatoire des Espaces Naturels d’Auvergne (CEN), qui a entrepris une mise en valeur et surtout une protection de l’ancien établissement thermale et des sources situées au niveau de l’ancienne usine d’embouteillage.
Cette démarche a permis des progrès sur la zone, et le retour de plantes rares et fragiles, tout en offrant un sentier de découverte aux visiteurs.

En 2018, un partenariat plus poussé a été signé, via un mécénat de 30 000 €, versés en 3 ans au CEN par Intermarché.
La zone dont il est question dans cet article est incluse dans les projets portés par ce partenariat… Et pourtant, il semble bien qu’Intermarché n’en a cure, et pollue allègrement la zone qu’il prétend protéger.

Source : CEN

Ça se passe où ?

La zone concernée se trouve sur la commune des Martres-de-Veyre, dans un méandre de la rivière Allier.
Un captage est exploité et une conduite d’eau souterraine le relie à l’usine d’embouteillage, en passant sous le lit de la rivière, sur la commune de Saint-Maurice-ès-Allier.
On est là à proximité des sources du Saladis et en face de l’ancienne usine et des sources de Sainte-Marguerite.

Les travaux réalisés

En octobre 2019, donc, des travaux ont été entrepris sur le captage indiqué sur la carte ci-dessus.
Si la plupart des bouteilles de Sainte-Marguerite indiquent que l’eau provient de la source de la Chapelle, ce captage correspond plutôt à la source des Graviers, selon les habitants du coin. Certains disent qu’elle ne serait utilisée que pour récupérer du gaz afin de “renforcer” l’eau mise en bouteille, mais les document du CEN laissent plutôt penser qu’ils s’agit bien du captage principalement embouteillé…

D’après des ouvriers sur place (peu loquaces !) les travaux auraient consisté à boucher un (ou deux ?) captages qui ne seront plus utilisés à l’avenir, mais sans stoppé pour autant toute la production issue de ce puis.

Il est à noter que pendant la réalisation de ses travaux, l’usine d’embouteillage a été mise à l’arrêt pour une période annoncée de 6 mois (j’ignore si le confinement lié à la crise sanitaire de la COVID-19 a augmenté ou non ce délais).

Dans les semaines qui ont suivi la fin des travaux, le captage a été visité chaque jour par un/e employé/e de l’usine, afin d’y opérer des prélèvements et analyses de l’eau (information confirmée par une personne effectuant ces prélèvements, tout aussi peu encline à répondre aux questions que les ouvriers précédents).

C’est quoi le problème ?

Pendant les travaux

La réalisation de ces travaux a fait appel à des camions lourds, en particulier une foreuse qui permettait de creuser des puis (semble-t-il sous le captage existant, afin d’y injecter du béton sur plusieurs dizaines de mètres, et ainsi boucher certains captages).

Afin de protéger le sol d’éventuelles fuites de carburant ou d’huile, des bâches ont été installées sous les engins… mais je doute qu’elles auraient suffit à retenir une fuite d’ampleur !

Une tranchée a été creusée depuis un forage distant de quelques mètres : les ouvriers m’ont indiquait qu’il s’agissait d’y prendre de l’eau, afin de nettoyer leurs outils et servir aux travaux.
La tranchée a été sommairement rebouchée.

Par ailleurs, de l’acide chlorhydrique était utilisé sur le chantier.
Renseignement pris (réponse un peu gênée d’un ouvrier), il s’agirait de javel, destinée à désinfecter les outils et instruments, afin de ne pas polluer le sous-sol et l’eau pendant les forages…

Après les travaux

Lors de leur départ, les ouvriers ont largement “retourné” le sol au niveau de la zone de manœuvre de leurs engins, juste à l’extérieur du captage.

Des ornières boueuses ont été formées (pas trop profondes, heureusement) et un liquide très nauséabond s’est mêlé à la boue (odeur d’hydrocarbures qui a perduré fortement pendant quelques semaines).

Dans le périmètre du chantier, beaucoup de plastique a été laissé à même le sol.
Il sera petit à petit fragmenté, emporté par le vent et se répandra dans le secteur.

Avant même ces travaux, d’autres, plus anciens, avaient laissé de nombreux déchets plastiques, bien visibles dans la végétation (tuyaux, bâches, filets, …).

On se demande où est le respect de l’environnement avec des travaux réalisés dans ces conditions, visiblement sans aucun suivi du chantier ou de l’état des lieux à la fin de celui-ci !

Une zone sensible

Le plastique répandu par Intermarché et ses sous-traitants pose un vrai problème !

Une partie va se coincer dans les herbes ou les arbres, se dégradant lentement en petits morceaux qui finiront par être emportés par le vent et la pluie dans la rivière, toute proche.
Une autre partie va directement partir à l’eau.

La pollution générée ici finira fatalement un jour dans l’océan, via l’Allier et la Loire… Ce plastique va polluer pendant des décennies, voir plusieurs siècles, peut-être !

Par ailleurs, de nombreux animaux vivent ici et peuvent souffrir de cette pollution : lapins (dont la chasse génère un surplus de plastique, avec les cartouches que des chasseurs jettent au sol), loutres, castors (qui laissent pas mal de traces de leur passage), oiseaux, insectes.

Un risque accru… par les crues

La zone est exposée au risque de crue.
D’ailleurs, pendant les travaux, une petite crue a eu lieu, coupant le chemin d’accès et rendant le sol plus fragile encore (je peux témoigner que le veilleur charger de surveiller les travaux pendant la nuit a bien failli ne pas pouvoir accéder au lieu et a risqué de se retrouvé isolé au milieu des eaux).

Juste après le chantier, l’Allier est sortie de son lit (encore) et a largement envahi les environs.

L’accès au site, le 24/11/2019

Chaque débordement peut entrainer un peu plus de plastique vers la rivière, et si la zone polluée par les hydrocarbures avait été atteinte, eux aussi auraient rejoint la rivière (la crue n’a finalement pas été si élevée que ça, et la zone en travaux est “un peu” en hauteur, ce qui l’a préservée).

Des solutions ?

Dans l’immédiat, une solution serait d’organiser un nettoyage des lieux… L’idéal serait qu’Intermarché finance ce travail (voir l’organise).
On peut espérer que le CEN ne devra pas utiliser une partie de l’agent qui lui est alloué pour réaliser ce travail.

Afin d’éviter que ce genre de pollution ne se reproduise, il serait bon qu’Intermarché organise un vrai et efficace suivi de ses travaux sur place.

Une option intéressante serait de faire intervenir un organisme indépendant (CEN ou autre) avant, pendant et après les travaux, afin d’assurer un suivi fiable et rigoureux… Cela ne serait sans doute pas très onéreux pour ce grand groupe industriel, qui se réclame “producteur” et ne devrait donc pas s’exonérer de ses responsabilités afférentes.

Smiley Bougnat râleur

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