
La forêt de Tronçais pour sauver Notre-Dame de Paris ?
Et si la forêt de Tronçais, dans l’Allier, pouvait contribuer à la reconstruction de la charpente de Notre-Dame de Paris, détruite par le feu le 15 avril 2019 ?
Cette forêt exceptionnelle, crée pour fournir la marine française par Colbert, pourrait ainsi vivre sa vocation d’utilité publique, pour une grande œuvre nationale !
Une forêt d’exception

La forêt de Tronçais est ancienne : on en trouve la trace au XIIIème siècle, sous ce nom (soit le siècle d’édification de Notre-Dame de Paris, d’ailleurs).
Même si on n’en a pas trace écrite, elle existait forcément bien avant cette époque.
Elle appartenait originellement aux 14 paroisses environnantes, avant d’être cédée aux ducs de Bourbon en 1327.
En 1527, le roi déposséda le Connétable de Bourbon de l’ensemble de ses terres, et la forêt devin la propriété de l’État.
En 1670, Colbert décida la réhabilitation et la réorganisation de cette forêt, pour en faire une chênaie qui serait dédiée à fournir du bois à la marine, pour la construction de la flotte.
Depuis cette époque, et malgré un délaissement et des dommages suites à la Révolution, la forêt de Tronçais est restée une magnifique chênaie, sans cesse entretenue par les hommes (on peut parler d’une culture de chênes) avec une vision à long terme (plusieurs siècles !).
De nos jours, elle est la dernière forêt française qui est gérée avec une vision à plus de 200 ans.
Elle couvre 10 532 hectares (soir la surface de Paris) et comporte 81 % de chênes et des hêtres (9 %) et charmes (2 %) destinés à “stimuler” la pousse des chênes, obligés de s’élever au-dessus de ces concurrents, ce qui fourni ainsi des troncs plus longs.

Certains arbres ont plus de 300 ans, voir 400 ans pour les plus anciens et le cœur de la forêt est désormais préservé (13 hectares).
La plus grande surface de la forêt de Tronçais reste exploitée par l’homme : coupe, plantations, vente du bois (ce bois, qui pousse lentement, a un grain très fin et peu de nœuds : il est particulièrement apprécié pour faire des tonneaux destinés aux plus grands vins).
C’est donc une forêt vivante, pensée, gérée, entretenue et exploitée par l’homme.
La charpente de Notre-Dame de Paris
La charpente qui vient de partir en fumée dans le dramatique incendie de Notre-Dame de Paris datait pour l’essentiel du XIIIème siècle (celle des transepts et de la flèche avait été refaite au XIXème siècle lors des rénovations conduites par Viollet-le-Duc).

Surnommée La Forêt, cette charpente vieille de plus de 850 ans avait été édifiée en chêne.
Chaque poutre était sculptée dans un arbre unique : on estime qu’il a fallu 1300 arbres pour la réaliser, soit l’équivalent de 21 hectares de forêt.
Certains de ces arbres auraient été plantés au IXème siècle (il y a 1200 ans !).
La charpente a été posée entre 1160 et 1170 au niveau du cœur, avant d’être refaite en 1220 (les murs ayant été surélevés. Une partie du bois fut réutilisée dans la nouvelle charpente).
Entre 1220 et 1240, la charpente de la nef fut édifiée (peut-être même dès 1175).
Il est a noté que lors de la restauration du milieu du XIXème siècle, la partie de la charpente qui fut refaite l’a été avec les techniques de cette époque.
Les poutres étaient alors plus grosses, et plus espacées.
6 siècles plus tôt, on avait opté pour des poutres plus fines, en partie en raison de la relative pénurie de bois, en cette période ou la déforestation était massive en France.
Cliquez ici pour en savoir plus sur cette charpente.

Et si la forêt auvergnate sauvait la cathédrale de Paris ?
Alors que les expertises pour connaître l’origine de l’incendie et les dégâts complets causés par celui-ci débutent à peine, les promesses de dons financiers affluent, ainsi que les propositions plus concrètes pour la rénovation.
Un débat s’ouvre entre les tenants d’une reconstruction à l’identique des techniques du Moyen-Âge, qui permettrait de faire vivre un savoir-faire ancestral, tout en offrant un magnifique chantier-école pour des centaines d’apprentis et les tenants d’une rénovation avec les techniques modernes, qui serait plus rapide et s’inscrirait dans l’histoire du bâtiment, mainte fois remanié.
Le président de la région Nouvelle Aquitaine a proposé que sa région fournisse le bois nécessaire à la reconstruction, en puisant dans le plus grand massif forestier d’Europe, y compris en usant de frêne, de châtaigner voir d’épicéa.
En Normandie aussi une proposition est venue pour fournir le bois en vue du chantier colossal qui s’annonce.
J’ai aussi entendu à la radio un spécialiste de la sylviculture expliquer que ce chantier pourrait nourrir le travail et la formation de centaines d’apprentis à travers tout le pays, en faisant vivre les techniques anciennes qui font la richesse de nombreux métiers d’art.
Alors pourquoi pas une proposition auvergnate ?
Après tout, la forêt de Tronçais, telle que nous la connaissons depuis 350 ans a été conçue pour servir de grands projets de la nation !
De plus, cette forêt, propriété de l’État, est gérée par l’ONF et le coût du bois serait donc sans doute moindre que de l’acheter auprès d’entreprises.
Si notre marine n’a plus besoin depuis longtemps de bois en quantité pour produire ses navires, Notre-Dame de Paris en a elle un immense besoin, aujourd’hui !
Combinés aux talents et matériaux venus d’autres régions, ces chênes ancestraux et majestueux de l’Allier pourraient donc légitimement être utilisés pour un grand projet collectif et symbolique, pour notre pays mais aussi au-delà.
L’exemple de la reconstruction de Rouen
Durant la seconde guerre mondiale, la ville de Rouen fut dévastée par les bombardements.
Pour la reconstruire, il fallait beaucoup de matériaux, rapidement produits et disponibles, dans une France en pleine reconstruction et où tant de choses manquaient.
L’Auvergne pris alors une grande part dans ce chantier colossal.
En effet, la ville de Rouen que nous connaissons aujourd’hui comporte de nombreux bâtiments bâtis en parpaings de pouzzolane.
Ce matériaux, réalisé à partir d’un ciment enrichi en pierre volcanique donnait des parpaings rosés facilement reconnaissables.

Source : Google Maps
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Et vous, que pensez-vous de cette idée de mettre une (petite) partie de la forêt de Tronçais à disposition du sauvetage de Notre-Dame de Paris ?
N’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous.
Je suis complètement d’accord pour que la forêt de Tronçais fournisse une partie des chênes nécessaires à la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Mais la durée de séchage du bois étant longue, comment faire ?
J’espère que les solutions de reconstruction en métal, en béton armé ou autre matériau moderne ne seront jamais retenues. Même si la visite de la charpente n’était réservée qu’à de rares privilégiés, quel irrespect envers les architectes et charpentiers qui l’ont conçue et construite ! Je connaissais la charpente de cet édifice grâce à plusieurs reportages vus à la télévision. Donc, sans m’y être déplacée physiquement, je connaissais la “forêt”. Une chaîne de télévision avait diffusé, peu de temps avant l’incendie de la toiture, un reportage sur cette somptueuse charpente.
La reconstruire à l’identique donnerait du travail sur plusieurs années à des architectes et des charpentiers et cela redonnerait du peps à des savoirs-faire et techniques anciens qui ont fait leurs preuves. Cela revivifierait la filière bois française et boosterait la diversification des essences. Vu l’étendue de notre patrimoine ancien, il est intéressant de maintenir vivantes les connaissances des techniques du moyen-âge. Ancien ne veut pas dire forcément dépassé. Esthétiquement, une charpente en bois bien conçue, cela restera toujours beau à regarder et inspirant. Cela fait consensus. Bien sûr, si la charpente bois d’origine était remplacée par un autre matériau, le poids doit avoir une grande importance pour maintenir l’ensemble de la cathédrale dans l’équilibre d’origine. Les architectes du XIIIe siècle ont dû calculer son poids, je suppose qu’il est très important de conserver le poids de départ.
La cause est noble : il s’agit quand même de respecter les croyants d’hier et d’aujourd’hui sur une durée de huit ou neuf siècles. Et il ne faut pas perdre de vue que nous sommes la vitrine du monde en matière d’art d’origine religieuse. L’art, en France, étant à 80% d’origine religieuse, laissons le béton armé aux architectes du XXe siècle et les charpentes en métal à ceux du XIXe, à Gustave Eiffel. Bien que j’ai un grand respect pour Eiffel, né à Dijon, dans la ville où j’habite. Montrons ainsi au reste du monde que nous pouvons exceller même dans des techniques du moyen-âge.
Reconstruisons à l’identique la charpente de Notre-Dame !!!
A Reims le charpente métallique a remplacé l’ancienne sans problème,pourquoi sacrifier des milliers de vieux chênes
Les arbres ne sont pas immortels, et ceux plantés en vue de réaliser un jour ce genre de travail ont vocation à être abattus dans ce sens. On ne parle pas du tout de plusieurs milliers de chênes mais de 1000 environ, sur les millions (ou milliards ?) que compte notre pays. Je pense qu’il vaut mieux cela que les arbres abbatus juste pour élargir une route ou pour fabriquer les poteaux qui servent à supporter les publicités pour les chantiers de centres commerciaux en cours de construction.
Reconstruire une charpente avec les méthodes (et donc les matériaux) anciens permet aussi de conserver et transmettre un savoir-faire ancestral, indispensable pour restaurer des milliers de monuments.
Sauf à vouloir tout restaurer avec les méthodes et matériaux du moment, en acceptant de petit à petit faire disparaître les éléments du passé.