Affaire Fiona : un jugement cassé
La cours de cassation viens de casser le jugement de la cours d’assises d’appel du Puy-en-Velay, qui avait condamné la mère et le beau-père de la petite Fiona à 20 ans de prison, dans l'”affaire Fiona”
Faisons un point sérieux sur les causes et conséquences de cette décision.
Une décision juste, qu’il faut comprendre
La cassation de la condamnation de Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf est très mal accueilli sur les réseaux sociaux, parce-que cela implique la libération de la mère de la petite Fiona, assassinée en 2013 et dont le corps n’a jamais été retrouvé.
Cependant, il faut comprendre les raisons de cette décision, qui dit le droit et applique la justice plutôt que de rester sur un ressenti émotionnel légitime (quand il ne va pas trop loin – voir plus loin).
Ce qui est dit dans cette décision, c’est que le tribunal a mal fait son travail lors du procès en appel, au Puy-en-Velay. Pas que les accusés sont innocents de ce qui leur est reproché.
Cette décision est le gage d’une justice juste, qui garantie les droits de tous les citoyens, peu importe la gravité de ce qu’on leur reproche.
C’est le seul moyen de protéger les innocents, et de renforcer la légitimité des condamnation des coupables.
N’oublions pas que c’est aussi là un pilier d’une société démocratique et libre.
Les causes de cette cassation
Comme je le disais, cette décision ne porte pas sur l’innocence ou la culpabilité des accusés, qui ont de toute façon reconnu avoir tué la petite Fiona (mais sont en désaccord pour reconnaître qui a fait quoi).
Si leur condamnation en appel a été annulée, c’est parce-que le juge qui présidait la court d’assise du Puy a commis plusieurs erreurs (source France Bleu) :
Un juge qui prend l’apéro avec des avocats
Au cours du procès, le président de la court d’assises à été vu entrain de prendre l’apéritif dans un hôtel de la ville, en compagnie des avocats des parties civiles.
Cela a fait peser un lourd soupçon de manque d’impartialité sur ce juge.
Un juge qui refuse d’être contredit et de se justifier
Les avocats de la défense (qui font leur travail) ont demandé un renvoi du procès (son annulation et un nouveau procès) en raison des soupçons pesant sur le juge.
Celui-ci a refusé leur demande, en prétendant que les avocats de la défense étaient aussi là lors de l’apéritif, alors que ceux-ci l’ont accusé de mentir (l’un des avocats serait simplement passé pour vérifier la rumeur qui parlait de cet apéritif déplacé).
Ce qui est reproché au juge, c’est surtout d’avoir refusé le renvoi du procès sans motiver sa décision, ce qui est pourtant une obligation.
Un expert qui ne prête pas serment
Durant le procès, un expert est venu présenter son témoignage.
Cependant, contrairement à ce qui est obligatoire, on ne lui a pas fait prêter serment.
Son témoignage se trouve ainsi invalidé, pour une raison “technique”.
Un droit de la défense bafoué
Autre reproche fait au président de la court : il n’a pas donné la parole à Cécile Bourgeon a la fin du procès.
C’est pourtant une base du système juridique français, qui garanti à chaque citoyen le droit à une défense efficace, et la possibilité de s’exprimer en dernier avant que la court ne se retire pour délibérer.
Une condamnation illégale
Dernier point qui cause la cassation du procès : Cécile Bourgeon a été condamnée à la fois pour meurtre et pour non assistance à personne en danger.
Hors, il n’est pas possible de condamner une personne pour ces deux faits, sur la même victime. Le meurtre seul aurait dû être retenu, pour justifier une peine de 20 ans de prison comme celle qui a été décidée.
Tous ces éléments jettent donc un doute sérieux sur le procès, qui n’a pas garanti les droits de la défense et qui jette un soupçon sur la neutralité du juge.
Ils ont donc conduit la chambre criminelle de la court de cassation à casser ce jugement (c’est-à-dire annuler ce procès, comme s’il n’avait jamais existé).
Les conséquences de cette décision
Le procès ayant été cassé, on en revient donc à la précédente décision de justice valide.
Il s’agit du procès d’assises qui s’est tenu à Riom, en 2016.
Celui-ci avait reconnu Berkane Makhlouf coupable du meurtre et l’avait condamné à 20 ans de prison.
Cécle Bourgeon, elle, n’avait été reconnue coupable de fausse dénonciation d’enlèvement, non assistance à personne en danger et dissimulation de cadavre, et condamnée à 5 ans de prison.
Et c’est pour une raison simple que Cécile Bourgeon doit désormais être rapidement libérée : elle a purgé une peine de prison déjà supérieure aux 5 ans pour lesquels elle a été condamnée, pour le moment.
Elle avait en effet était emprisonnée de manière préventive avant son procès de 2016.
Les suites judiciaires à venir
Comme je l’ai dit, cette décision ne porte absolument pas sur le fond du dossier.
Cécile Bourgeon n’est pas innocentée et elle sera à nouveau jugée en appel puisque le dernier procès “ne compte pas”.
Cette décision est évidement extrêmement difficile pour les proches de la petite Fiona et les associations de défense des droits des enfants.
Mais la colère doit plus se porter sur le président de la court d’assises qui a multiplié les erreurs que sur les accusés ou leurs avocats.
Un crime abjecte qui déclenche des excès
Le meurtre d’une petite fille de 5 ans est évidemment un crime atroce, qui mérite une peine lourde pour ceux qui l’ont commis.
Cette affaire est particulièrement complexe, puisqu’il s’agit de définir qui a fait quoi, exactement, en tenant compte d’éventuels phénomènes de manipulation de l’un/e sur l’autre.
C’est parfois difficile à entendre, mais c’est cela le rôle d’une justice efficace, dépassionnée et juste.
L’émotion est amplifiée par l’engagement de toute une population dans la recherche de Fiona, en 2013, alors qu’on la pensait enlevée.
Le sentiment de trahison, lors de la découverte de la réalité, est venu renforcer le dégoût naturellement provoqué par ce meurtre.
Les réactions sur les réseaux sociaux sont toutefois très virulents contre cette décision, avec des comportements qui sont honteux, voir sauvages :
- Appel au meurtre contre Cécile Bourgeon.
- Insultes grossophobes, en rapport avec le physique de l’accusée.
- Remise en cause d’une justice égale pour tous.
Il serait souhaitable que dans notre société, riche de sa démocratie, les citoyennes et citoyens sachent garder leur raison, ne cèdent pas à des instincts primitifs de haine facile et se montrent plus fins dans leur analyse de l’actualité, même la plus tragique et révoltante qui soit.
Bougnat, tantôt râleur, tantôt content !