À quoi ressembleront les futurs trains Clermont <> Paris ?
Bien que la ligne soit maltraité depuis des années par la SNCF, l’État a annoncé en 2019 de nouveaux trains entre Clermont et Paris.
Les annonces se veulent ambitieuses pour le matériel… Mais sont-elles vraiment annonciatrices de renouveau pour cette ligne essentielle (et rentable) ?
Une ligne indispensable
C’est en 1858 que la capitale a été reliée à Clermont-Ferrand par le train.
Cette liaison un peu tardive s’est vite avérée indispensable, tant pour les voyageurs que pour le transport des marchandises, comme le vin d’Auvergne.
À partir de 1990, l’électrification de la ligne sur l’intégralité de ses 429 Km permet de gagner environ 30mn de trajet, plaçant le cœur de l’Auvergne à 3H30 de Paris.
Aujourd’hui encore, ce train est indispensable à nombre d’étudiants, de voyageurs et même de travailleurs qui peuvent facilement relier les deux centre-villes de façon confortable, y compris en faisant l’aller/retour dans la journée, pour les plus courageux.
Une ligne rentable
Avec un peu plus de 3,5 millions de voyageurs par an, elle fait partie des rares “grandes lignes” à être rentable, en-dehors des lignes TGV.
Tous ne relient pas l’Auvergne à la capitale : les tronçons entre Paris et Nevers ou encore l’Allier et le Puy-de-Dôme sont fort fréquentés, comme en attestent les nombreux croisements de voyageurs lors des arrêts à Nevers, Vichy ou Riom, par exemple.
Plus écologique et moins cher que l’avion, le train est quand même un peu plus lent (mais il évite les transferts vers les aéroports et les coûts et pertes de temps qui vont avec).
Une ligne maltraitée
Et pourtant, aussi rentable qu’elle soit, cette ligne est maltraitée par la SNCF et les pouvoirs publics depuis des années !
En 2010 et 2013 les régions Auvergne et Centre ont largement financé la suppression de nombreux passages à niveaux et la réfection de la voie, pour réduire le temps de trajet.
A grand renfort de millions d’euros (plus de 40 !) le temps de trajet direct entre Clermont et Paris est tombé à 2H59 (la barre des 3 heures étant symboliquement franchie), en offrant des tronçons à 200Km/H, dès la fin 2008.
Mais ces progrès se faisaient en exploitant des trains vieux de plus de 40 ans, rapidement rénovés (de façon peu qualitative) en transformant des “Corail” en “Téoz”, mais toujours tractés par des locomotives vieillissantes.
Les sièges cassés, la clim défaillante et les locos en panne sont légions depuis 15 ans et les retards sont devenus si fréquents qu’on s’étonne de voir un train arriver à l’heure sur ce trajet !
Le scandale de Bercy
Histoire d’en rajouter, la SNCF a décidé fin 2010 de transférer les trains de la gare de Lyon à celle de Bercy.
Promis comme provisoire, le temps de travaux en gare de Lyon, ce changement est devenu définitif un an plus tard, après un retour soit-disant définitif en gare de Lyon, qui n’aura duré que quelques mois.
Résultat : une perte de temps de trajet faisant oublier presque tous les gains obtenus par les travaux entrepris à grands frais par les régions !
Et de nouveaux retards réguliers, en raison de la densité du trafic en région parisienne, qui amène les trains arrivant d’Auvergne à se faire doubler par d’autres, jugés plus “importants”.
Aujourd’hui, le trajet direct est remonté à 3h25 entre Clermont et Paris, marquant un retour à ce qui existait 30 ans auparavant.
Mais le temps de trajet moyen est en réalité de plus de 4 heures… Sans compter les retards chroniques !
Des trains nouveaux
Dans le cadre des Trains d’Équilibre du Territoire (TET), le gouvernement a annoncé en 2014 la commande de nouveaux trains pour les lignes Paris/Clermont et Paris/Limoges/Toulouse.
Ce n’est finalement qu’en 2019 que la commande a enfin été passée auprès de l’entreprise espagnole CAF (Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles).
Les trains seront fabriqués en France, dans les pyrénées, en Bigorre.
Adieu les voitures tractées par des locomotives : les nouveaux trains seront des automotrices, comme les TER et les TGV, avec un poste de conduite à chaque extrémité.
Tous comme les trains actuels, ils seront qualifiés pour rouler à 200 Km/H (ce qui n’est possible que sur une partie de la ligne, le reste se faisant à 140 ou 160 Km/H en général).
Le modèle choisi est le Confort200
Long de 188 mètres, chaque train comportera voitures pour 420 places (103 en 1ère classe et 317 en seconde classe), soit à peu près autant que les trains actuels.
Il n’y aura hélas que 4 places pour les fauteuils roulants (2 par classe) et un seul des 11 toilettes sera accessible aux fauteuils.
Pas de voiture bar à priori. Peut-être quelques emplacements pour vélos (à voir).
Les trains sont estimés à moins de 20 millions d’euros pièce et 12 des 28 commandés seront affectés à la desserte de l’Auvergne.
Une option existe pour commander 47 trains supplémentaires qui pourraient desservir d’autres destinations (on parle de 15 rames pour le Bordeaux-Marseille).
À noter que le français Alstom était en concurrence avec l’espagnol CAF.
La perte de ce marché fait craindre pour l’emploi dans l’usine alsacienne du groupe, même si la création de 250 à 800 emplois est annoncée à Bagnère-de-Bigorre, par CAF.
Des sondages sur le design
En novembre 2020, le ministère chargé des transports (qui va acheter les trains qui seront ensuite exploités par la SNCF) a lancé un premier sondage pour choisir les couleurs intérieures des futurs trains.
Cette consultation très discrète n’a duré que quelques jours, et aucun résultat n’a été communiqué, mais voici les propositions faites à l’époque :
Fin janvier 2021, c’est une nouvelle consultation qui est lancée, pour choisir cette fois la livrée des rames (leur design extérieur).
4 propositions sont mises au vote sur le site dédié jusqu’au 7 février.
Les voici :
Le choix 1 offre à mon avis un look dynamique avec les vagues que forment les lignes de couleur vive.
La différence entre les voitures de 1ère et 2nde classes n’est hélas pas nette.
Le choix 2 est à mes yeux le pire.
En effet, le blanc sera à n’en pas douter très sale au quotidien, et offrira en plus un support idéal pour les tags et autres dégradations.
Le choix 3 reprend les couleurs du 1.
Les classes sont mieux mises en valeur, mais on perd le dynamise des lignes ondulées, au profit d’un design plus austère.
Le choix 4 est celui qui a ma préférence.
Le bleu sombre peut semble un peu triste, mais je pense qu’il rendra bien en réalité. Et cela devrait être moins salissant.
Surtout, les lignes colorées reprennent les codes historiques des trains Corail et permettent de bien différencier les 2 classes, en particulier au niveau de la porte de la voiture mixte.
Des trains adaptés et suffisants ?
Changer le matériel ne suffira pas à améliorer la desserte des trains entre Clermont et Paris !
S’il est vrai que les voitures actuelles accusent péniblement leur 50 ans, elles restent des modèles de confort. Les nouveaux siègent semblent bien minces pour offrir un réel confort pendant plusieurs heures de trajet (même si on nous promet un design assurant un bon soutien lombaire).
La véritable amélioration pourrait venir du remplacement des locomotives actuelles, à bout de souffle après des décennies de bons et loyaux services.
Elles sont en effet souvent en cause dans les retards chroniques que connais la ligne.
Source : Wikimedia Commons | Auteur : Florian Pépellin
Mais le changement ne devrait pas être une révolution… En témoigne les arguments mis en avant par le ministère des transports pour promouvoir les Confort200 :
- Sièges ergonomiques avec soutien lombaire intégré
La principale amélioration proposée - Wi-fi haut débit de dernière génération
Déjà existant et moins performant que la 4G/5G - Prises électriques et port USB
Cela se fait déjà depuis 15 ans ! - Liseuses, tablettes multiples
On voit ça dans les trains depuis… presque toujours ? - Porte-revues
Heu… C’est comme les tablettes ça, non ? - Boîtes à déchets amovibles
Des poubelles démontables… Voilà qui va tout révolutionner ! - Accès en toute autonomie pour les personnes en fauteuil roulant
L’autonomie est un immense progrès… Mais limité à 4 places ! - 10 emplacements pour les vélos
Un vrai plus. En espérant qu’il soit possible de sécuriser les vélos. - Tri sélectif
Un progrès… Qui pourrait être mis en place sans attendre de nouveaux trains.
Si tout va bien, ces trains seront livrés à partir de 2023 et jusqu’en 2025.
Image d’en-tête – sources et auteurs :
Wikipedia, Yann Caradec | Wikimedia Commons, Aavitus | SNCF & CAF