Invention auvergnate : la lave émaillée
Depuis 9 siècles, la lave est exploitée en Basse-Auvergne pour la construction de monuments imposants et robustes.
Au XIXème siècle, l’invention de la lave émaillée a donné un nouvel essor à ce matériau, en faisant un objet de décoration et d’information incontournable.
Retour sur une invention toujours d’actualité, en Auvergne et bien au-delà !
Cet article inaugure une série sur les inventions auvergnates.
Une matière magique
La “pierre de lave”, plus connue sous le nom de Pierre de Volvic, du nom de la ville où l’on en extrait le plus et la plus célèbre variante est une matière quasiment magique par ses propriétés.
Il faut savoir qu’il existe aussi la Lave du Mont-Dore (de la Sancyte, incrusté de cristaux blancs de sanidine) et la lave de Chambois (issue de Mazaye, au pied du Puy-de-Dôme et largement utilisée de nos jours, comme à Vulcania ou pour la gare du panoramique des Dômes).
Toutes ces roches sont en réalité des trachy-andésites qui ont quelques points communs :
- Une couleur grise, plutôt claire mais pouvant virer vers le gris foncé.
- Une résistance à la chaleur exceptionnelle (fusion à 1500 °C).
- Une solidité sans faille, qui ne craint ni le gel ni la moisissure.
- Une très faible sensibilité aux écarts de température (pas de dilatation ou rétractation).
- Une solidité éprouvée, dont une grande résistance à la pression.
- Une tendreté qui permet une sculpture très fine de la pierre.
- Une résistance à l’acidité qui permet un usage industriel dans des conditions extrêmes.
Ce n’est qu’au milieu du XIIème siècle que les moines ont réussi à extraire et travailler cette roche, issue d’une coulée de lave du Puy de la Nugère.
Elle a alors commencé à parer les villes environnante de son célèbre gris, à commencer par Riom et “Clair Mont” dont le visage s’est assombri en seulement 50 ans.
C’est avec l’édification de la cathédrale clermontoise, au XIIIème siècle, que la pierre de Volvic est devenue LA référence de la construction dans la région (et parfois au-delà).
Un inventeur engagé
Ce n’est que bien plus tard, au XIXème siècle, que la lave a commencé à être émaillée, ce qui consiste à déposer sur celle-ci une couche de pigments, qui seront ensuite cuits à 960 °C, offrant alors un rendu solide, durable et brillant.
Et c’est à Gaspard de Chabrol ( comte Gilbert Joseph Gaspard Chabrol-Volvic, de son nom complet) que l’on doit cette invention !
Mr de Chabrol est né à Riom le 27 septembre 1773.
Simple soldat durant la Révolution, il sera même emprisonné avec sa famille durant la période de la Terreur.
Réhabilité, il connaîtra une belle carrière militaire, notamment lors des campagnes d’Égypte de Napoléon Bonaparte.
C’est ce même Napoléon qui le nomma préfet de la Seine (Paris). Il occupera ce poste pendant 18 ans, de 1812 à 1830, jamais remplacé malgré le passage de 19 ministres de l’intérieur durant cette période.
Il s’est beaucoup investi pour l’éducation , en créant de nombreuses écoles primaires à Paris et en rénovant la Sorbonne.
Il a aussi largement contribué à l’aménagement de la capitale, avant même les grands travaux du baron Haussman. Il a par exemple généralisé l’usage des trottoirs, qu’il fit largement réaliser en pierre de Volvic.
C’est dans ce contexte qu’il inventa l’émaillage sur lave.
Il a créé l’école d’architecture et de sculpture de Volvic, en 1820. Cette école existe toujours en 2019 (même si elle est menacée en raison d’un manque de financement) et est l’unique centre de formation à la lave émaillée.
Son nom est désormais l’institut des métiers d’art de la pierre et de la construction Volvic.
De par sa position de préfet de la capitale, il imposa une nouvelle fois la pierre de son pays natal, cette fois sous sa forme émaillée, utilisée pour la réalisation des plaques nominatives des rues.
En 1822, à seulement 49 ans, une rue sera même nommée en son honneur à Paris.
Un essor national
Suite à l’invention de l’émaillage sur lave, son usage s’est largement développé au XIXème siècle, au travers des plaques de rues mais aussi pour les arts décoratifs, comme en témoigne ce site sur le travail d’Hector Guimard, célèbre créateur des entrées du métro parisien.
Plus tard, ce sera la société Michelin qui utilisera (naturellement) la pierre du pays pour couvrir la France de plaques directionnelles sur le bord des routes et aux entrées des villes.
Pendant un demi-siècle les “plaques Michelin” seront offertes par la manufacture, s’offrant ainsi une publicité tout au long du parcours de ses clients.
La lave émaillée est aussi très utilisée pour la réalisation de tables d’orientation ou de cuves pour l’industrie (résistance aux acides et aux hautes températures).
On a par exemple trouvé une cuve issue de la coulée de la Nugère jusqu’en Indonésie.
Une matière toujours d’actualité
Moins utilisée de nos jours qu’autrefois (le béton l’a supplantée dans la construction et les bordures de trottoir, par exemple), la lave émaillée n’en reste pas moins un matériaux moderne.
Des artisans et des entreprises continuent d’innover et de proposer de nombreuses applications à cette roche volcanique grise sublimée par les couleurs de l’émail.